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Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, était mardi 1er octobre devant une commission du Conseil de l’Europe chargée d’étudier ses conditions de détention. C’est la première fois qu’il s’exprimait depuis sa sortie de prison. Habillé d’un costume sombre et d’une cravate bordeaux, arborant une barbe blanche, il était accompagné de sa femme, Stella Assange, ainsi que d’un de ses plus anciens compagnons de route, l’Islandais Kristinn Hrafnsson. L’Australien avait l’air visiblement fatigué, s’exprimant lentement et à mots choisis.
« Je ne suis pas libre aujourd’hui parce que le système a fonctionné. Je suis libre aujourd’hui après des années d’incarcération parce que j’ai plaidé coupable de journalisme. J’ai plaidé coupable d’avoir réclamé de l’information auprès d’une source » a-t-il dénoncé, en référence à l’accord de plaider coupable passé avec le ministère américain de la justice. « J’ai fini par choisir la liberté plutôt qu’une justice inatteignable après avoir été en détention pendant des années et risqué une peine de 175 ans sans réel recours », a-t-il encore dénoncé.
Les charges qui pesaient contre lui aux Etats-Unis concernaient majoritairement des actions habituelles des journalistes d’investigation, même si selon les autorités américaines, certaines des informations publiées ont mis en danger des sources de l’armée et de la diplomatie américaine sur le terrain. Julian Assange et son organisation, WikiLeaks, ont publié à partir de 2010 et en partenariat avec de grands médias internationaux, dont Le Monde, des centaines de milliers de documents classifiés concernant les activités militaires et diplomatiques des Etats-Unis, ainsi que des récits d’exécutions extrajudiciaires et de collecte de renseignements contre les alliés de Washington.
Julian Assange a passé sept ans dans les locaux de l’ambassade équatorienne de Londres, où il s’était réfugié pour fuir une demande d’extradition dans le cadre d’accusations de viol et d’agression sexuelle en Suède. Incarcéré après que l’Equateur a cessé de lui accorder sa protection, il a ensuite été visé par la justice américaine par une demande d’extradition et a passé sept années dans les prisons britanniques à la combattre.
Mardi, le journaliste et activiste a dit regretter « l’ampleur du terrain perdu » pendant son passage en cellule et les effets des poursuites américaines le visant sur la liberté d’expression en général. « Je vois davantage d’impunité, de secret, de représailles pour avoir dit la vérité et plus d’autocensure », a-t-il déclaré dans son long propos introductif. « Il est difficile de ne pas relier la décision du gouvernement américain de criminaliser le journalisme et le climat glacial qui règne sur la liberté d’expression » a jugé l’Australien.
« Les journalistes ne devraient pas être poursuivis pour avoir fait leur métier. Le journalisme n’est pas un crime, c’est un pilier d’une société libre et informée. La criminalisation de la récolte d’information est une menace pour le journalisme d’investigation. J’ai été condamné formellement, par un pays étranger, pour avoir demandé, reçu et publié des informations avérées sur ce pays pendant que j’étais en Europe » a-t-il encore lancé.
Le fondateur de WikiLeaks avait été invité par le Conseil de l’Europe car l’une de ses commissions enquête sur « la détention et la condamnation de Julian Assange et leurs effets dissuasifs sur les droits de l’homme ». L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), composée d’élus désignés par les parlements des 46 Etats membres, débattra mercredi à la suite de cette audition.
« Il est important que (…) des institutions créatrices de normes comme l’APCE agissent pour que ce qui m’est arrivé ne doit pas arriver à d’autres », a-t-il insisté, et de poursuivre : « Quand de puissantes nations se sentent légitimes à viser des individus au-delà de leurs frontières, ces individus n’ont aucune chance, à part s’il existe des garde-fous solides et un Etat déterminé à les mettre en œuvre. »
« J’espère que mon témoignage pourra mettre en lumière les faiblesses des garde-fous existants », a-t-il argué, ajoutant que selon lui, « le manque de protections efficaces signifie que l’Europe risque de voir ses traités d’extradition détournés par des puissances étrangères pour s’en prendre aux voix dissidentes en Europe ».
Julian Assange est également revenu sur ses conditions de détention. « L’expérience de l’isolement pendant des années dans une petite cellule est difficile à exprimer. Elle dépouille l’individu de son identité, et ne laisse que l’essence brute de l’existence, a-t-il soufflé. Je ne suis pas encore prêt à parler de ce que j’ai subi, la lutte incessante pour rester en vie, à la fois physiquement et mentalement, et les morts par pendaison, meurtre ou négligences médicales de mes compagnons de cellule. »
Le Monde avec AP et AFP
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